Régulations Europe

Normes, gestion de données, fiscalité

Hypothèses

Durant 2 ateliers d’une journée, l’ensemble des 12 dossiers prospectifs a été présenté aux membres du groupe qui pouvaient les commenter et les compléter. A partir des éléments du dossiers, les hypothèses d’évolution des macro-variables ont été construites collectivement en distinguant :

 

  • Les hypothèses tendancielles : qui renvoient aux dynamiques en cours.
  • Les hypothèses contrastées : qui reprennent les incertitudes, les controverses, les germes de changement.
  • Les hypothèses de rupture : qui renvoient aux ruptures.


 


Hypothèse tendancielle : une volonté de régulation active mais lente et compromise…


L’Europe poursuit son effort de régulation, et tente même de le renforcer, mais ses résultats sont souvent freinés en raison de la lourdeur et de la lenteur des procédures (ex. droit de veto pour l’application d’une réglementation) qui contrastent avec la rapidité des modèles économiques et des avancées technologiques. Par conséquent, l’UE rencontre des difficultés pour faire appliquer des réglementations adaptées à la progression des grandes entreprises du numériques et ses avancées en termes de politique industrielle, technologique et environnementale sont limitées par une application ou une appropriation restreinte des acteurs
Concernant les difficultés de réglementations vis-à-vis des grandes entreprises numériques, ce phénomène se poursuit avec la réglementation fiscale des activités numériques. Les multinationales ont tendance à imposer leur diktat aux pays concernés et sont en mesure de régler les amendes réglementaires. Des pays qui accueillent les sièges de ces entreprises vont à l’encontre d’une réglementation commune de l’UE (ex. Irlande). Les négociations restent alors bloquées ou les GAFAM ont déjà trouvé une autre solution. Il en est de même concernant la régulation de l’ubérisation par le statut de travailleur indépendant et par la régulation de la concurrence. L’UE est précurseur mais le bilan sera toujours mitigé. Les grandes entreprises du numériques auront déjà trouvé une autre solution alors que les petites et moyennes entreprises qui ne peuvent faire face à cette réglementation se voient de plus en plus contraintes à déposer leur bilan et à cesser leur activité (ex. Take Eat Easy).

Au niveau de l’industrie, l’UE poursuit ses efforts mais encore une fois l’impact des mesures prises reste mitigé en raison de la lourdeur du système. Les PMI en particulier ne profitent pas suffisamment des moyens offerts par l’UE en raison du manque de connaissances des possibilités offertes par les différents appels à projets et du temps long pour soumettre des demandes de financement. Par ailleurs, la régulation européenne est un frein au développement technologique de l’industrie. Dans le domaine de la robotique par exemple, les avancées sont dépendantes d’une réflexion en amont autour de l’éthique (ex. décision du Groupe Expert Européen issu de la commission européenne en 2019). Concernant la protection des données, qui constitue un sujet central de la réglementation européenne, les résultats sont inégaux au regard des politiques nationales. Le renforcement de la RGPD est effectif en France, ressenti comme contraignant d’ailleurs, mais plus nuancé selon les pays de l’UE.

Pour les questions relatives à l’environnement, l’UE continue d’être précurseur, au niveau mondial, concernant la régulation, mais la fracture sociale s’accentue entre des populations sensibles à ces questions environnementales et d’autres pour lesquelles les réalités économiques et sociales sont prépondérantes.

 

 

Hypothèse contrastée : une efficacité renforcée


La régularisation européenne devient plus efficace, en raison de nouvelles modalités d’adoption des réglementations (majorité des pays membres vs unanimité), d’une meilleure communication des politiques incitatives et d’une plus grande souplesse dans leur application.

 Les procédures d’application s’en trouvent allégées et renforcent la position de l’UE vis-à-vis des multinationales dont plus particulièrement les grandes entreprises du numérique. Ainsi, la taxe fiscale pour les activités numériques - en tant que réglementation contraignante - est devenue effective. Le statut de travailleur indépendant est désormais reconnu et adopté dans la réglementation européenne. Cela implique une meilleure protection, devenue automatique, des travailleurs ubérisés sans plus avoir recours à des cas de jurisprudence ou de recours uniquement. De même, la réglementation « sur les pratiques commerciales entre plateformes et entreprises » pour réguler les rapports de force entre les GAFAM et leurs partenaires devient effective grâce au vote à la majorité. Cette réglementation s’inscrit en faveur des industriels collaborant avec les plateformes numériques.

Par ailleurs, les politiques incitatives de l’UE ont désormais davantage de poids vis-à-vis de l’activité économique. Les procédures de financement européens sont allégées et les industriels sont, désormais, en mesure d’y répondre et de pouvoir en bénéficier plus rapidement. La régulation de la technologie a été assouplie avec moins de considération éthique sur la robotique favorisant ainsi le développement des innovations issues de l’intelligence artificielle.

Enfin, l’efficacité plus grande de la régulation européenne concerne également la politique environnementale. Le vote à la majorité a permis de transformer les directives et avis, qui dépendaient de la volonté nationale, par des réglementations communes et à caractère obligatoire à l’échelle européenne. Ainsi, l’appropriation de la politique environnementale a été harmonisée à l’échelle européenne.

 

 

Hypothèse de rupture : la régulation européenne dépassée 


Deux hypothèses de rupture avec une même conséquence de perte de pouvoir de la régulation européenne au profit d’une régulation globale (1) ou nationale (2).


1. Vers une règlementation globale

En raison de son manque d’efficacité (système lourd, chronophage et déconnecté d’une activité économique et financière internationale), l’UE perd peu à peu du pouvoir et la réglementation se pense désormais au niveau mondial. Ce sont dès lors les instances internationales (ex. OCDE) qui sont en charge de la régulation prenant le dessus sur la régulation européenne. La démarche en cours en 2019 de l’OCDE pour une réglementation internationale de la taxe fiscale des activités numériques est la première concrétisation qui a ouvert la voie vers cette globalisation de la régulation. Par conséquent, l’UE décide de s’allier à des nouveaux partenaires puissants tels que les pays asiatiques pour faire passer des réglementations contraignantes au niveau des GAFAM et en contre-pouvoir des Etats-Unis et autres pays réfractaires aux progrès environnementaux (ex. Brésil).

Par ce nouveau fonctionnement, le rapport de force des multinationales s’amenuise. Il existe désormais une taxe fiscale numérique applicable pour l’ensemble de l’activité des grandes multinationales et non plus seulement à l’échelle européenne. Il en va de même pour la RGPD. En revanche, ce système affaiblit la réglementation entreprise par l’UE de la protection des travailleurs ubérisés et de la régulation commerciale entre les plateformes numériques et entreprises partenaires au profit d’une logique libérale.

Par ailleurs, ce fonctionnement remet en cause la politique industrielle européenne mais la régulation des technologies, dont l’IA, par des instances internationales (type OCDE, G20…) permet une équité entre les entreprises industrielles voulant innover. A l’inverse, ce fonctionnement renforce la politique environnementale préétablie par l’UE. Au regard des perturbations climatiques démultipliées et subies par la Chine, cette nation accélère sa transition énergétique. Ainsi, la Chine se range du côté de l’UE et de son modèle réglementaire exemplaire pour faire pression sur les EU et autres pays climato-sceptiques (lors du G20, COP 25, 26, …). Les applications à l’échelle internationale d’une démarche pour l’environnement se concrétisent enfin.


2. Vers un retour à une réglementation nationale

La fracture sociale entraîne la désolidarisation de nombreux pays de l’UE : BREXIT, FREXIT, GREXIT…Les régularisations se reconcentrent au niveau national mais avec une volonté de gouvernance internationale globale.

Par conséquent, la réglementation internationale vis-à-vis des grandes multinationales et entreprises du numérique reste effective : taxe fiscale de l’activité numérique mise en place par l’OCDE ; application de la RGPD à l’échelle internationale et réflexion sur l’IA au niveau d’instances internationales.

Cependant, ces défections de l’UE entraînent des réglementations moins favorables aux pays de l’ex-UE, désormais minoritaires et moins bien représentés. Pour la France, cela entraîne un affaiblissement global de la régulation initiée auparavant. Le statut de travailleur indépendant est renforcé en France, la réglementation des relations commerciales des plateformes numériques également. L’application n’a toutefois que très peu d’impact sur les grandes entreprises du numériques avec des sanctions financières dérisoires et un rapport de force ne permettant pas à la France d’interdire l’activité de ces entreprises. 

Ce nouveau fonctionnement a un impact particulier sur les industriels français avec une politique industrielle davantage ciblée sur ces acteurs mais avec des moyens plus limités. De même, ces entreprises subissent une concurrence déloyale en raison d’une réglementation nationale forte sur l’usage de l’IA (notamment par l’éthique de la robotique) par rapport à d’autres pays (EU, Chine, Allemagne, etc.).

Enfin, les questions environnementales restent d’actualité mais l’exemplarité de l’UE perd de sa suprématie. Dans la même logique que l’hypothèse 1, la Chine pourrait se ranger du côté des pays européens en faveur d’une régulation de l’environnement harmonisée et puissante à l’échelle européenne. Cependant, il reste le risque de voir la Chine se ranger du côté des climato-sceptiques au côté des EU.

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